TOP 5 – Les monologues de film
Le cinéma est une mine d’inspiration pour tout orateur.
Les techniques de la rhétorique, de la dialectique y sont toutes représentées.
La forme du discours est incarnée par les générations d’acteurs qui ont illuminé l’écran, de Charlie Chaplin à Fabrice Luchini et même au-delà.
Il y a 125 ans cette année que les frères Lumière ont inventé ce qui constitue selon moi l’un des plus beaux outils du monde moderne, l’un des plus inspirants.
En 125 ans, de nombreux monologues y ont été joués.
Je vous présente aujourd’hui 5 de mes monologues et discours préférés au cinéma, ceux dont vous pourrez vous inspirer.
Par soucis d’authenticité, je ne citerai ici que les textes originaux, non ceux tirés d’œuvres littéraires adaptées au cinéma (exit donc Cyrano pour cette fois).
1) Le Dictateur (Charlie Chaplin, 1940) – Discours final
Synopsis
Dans le ghetto juif vit un petit barbier qui ressemble énormément à Adenoid Hynkel, le dictateur de Tomania qui a décidé l’extermination du peuple juif. Au cours d’une rafle, le barbier est arrêté en compagnie de Schultz, un farouche adversaire d’Hynkel…
Autour du film
Ce film est un bijou du 7e art, une merveille sous tous ses aspects.
Il parvient à rassembler tous les genres en une seule séance et offre à Charlie Chaplin, pour son premier film parlant, un rôle lui permettant d’exprimer toute sa poésie, sa tendresse mais également son engagement et sa détermination.
Il y condamne l’Allemagne nazie dès 1940, malgré les pressions imposées par la United Artists qui craignait les réactions d’une Amérique frileuse à l’idée d’entrer en guerre.
Le film est d’ailleurs interdit en Allemagne, ne sortira en France qu’en 1945 et restera censuré par l’Espagne franquiste jusqu’en 1976.
Il est heureusement aujourd’hui reconnu, à sa juste valeur, comme l’un des plus grands chefs d’œuvre du Cinéma.
Intérêt du discours :
Ce discours est présenté à la fin du film.
Le héro incarné par Chaplin est confondu avec le dictateur et doit donc prendre la parole.
Chaplin, sous couvert de jouer son rôle, adresse en réalité son discours à la folie nazie qui prend place en Allemagne.
Il part du « je », dit ce qu’il pense et ce qu’il veut, pour aller vers le « nous » de généralisation.
Par cette technique, il place les dirigeants et leurs aspirations violentes à contre-courant des aspirations des « vrais humains » qui constituent les peuples.
Puis il adresse un message plus général aux êtres humains, les appelant à reconquérir leur humanité.
Le message qu’il adresse notamment au sujet des inventions de son époque reste bouleversant d’actualité : ces inventions doivent nous servir dans notre humanité et non nous en éloigner.
Après avoir posé ses principes, il en vient à l’action, l’invitation à agir ; il invite son audience à l’action : les soldats, les individus et le peuple.
Enfin, on constate tout au long du discours une évolution du ton, du rythme et de la gestuelle. Chaplin commence avec une voix basse, parle lentement, le regard baissé et n’utilise pas ses bras. Puis suivant le fil de son discours, tous ces éléments évoluent jusqu’à atteindre une parole lyrique, à la voix forte, assurée, le regard porté vers ses auditeurs et accompagné d’une gestuelle forte : il passe de l’hésitation à l’incarnation de son discours, jouant le tout pour le tout.
2) Mon Nom est Personne (Tonino Valerii, 1973) – La fable du petit oiseau
Synopsis :
Jack Beauregard, légende de l\’Ouest, désire mettre un terme à sa carrière de pistolero et envisage de s\’embarquer pour l\’Europe. Mais un jeune admirateur, affirmant s\’appeler Personne, ne l\’entend pas de cette oreille. Il veut faire entrer Beauregard dans l\’Histoire en l\’amenant à combattre la Horde sauvage.
Autour du film :
Mon Nom est Personne, l’un des western spaghettis les plus connus, mais aussi l’un de ceux qui s’adressent aux plus jeunes.
Ce film de Tonino Valerii rassemble Terence Hill, jeune icone, et Henry Fonda, déjà une légende du cinéma, autour d’un scénario de Sergio Leone et sur une musique d’Ennio Morricone.
Ca plante le décor, on sait où on est, on sait qu’on peut s’attendre à quelque chose.
Et pourtant ce film est chaque fois une redécouverte.
Il s’adresse aux plus jeunes pour l’air et l’humour à la Lucky-Luke d’un Terence Hill qui joue les pistoleros fauchés mais des plus rapides.
Il s’adresse aux plus âgés pour tout le questionnement qu’il pose sur la nécessité de prendre des risques, de se mettre en avant ou de jouer la discrétion.
Mais il nous parle aussi de l’importance de se choisir des maîtres et de les respecter même lorsqu’on les a dépassés.
Un plaisir à regarder pour tous les fans de comédie western.
Intérêt du discours :
Ce discours est prononcé par Personne (aka Terence Hill) à l’intention de Jack Beauregard (aka Henry Ford) à peu près au milieu du film.
Le discours en très bref ? Un storytelling bien mené pour expliquer à son héro les raisons de son comportement.
A travers la fable d’un petit oiseau, des gens qui prennent soin de lui et de ceux qui lui veulent du mal, Personne fait comprendre à Jack Beauregard que ses intentions ne sont pas mauvaises et qu’il ne souhaite que lui offrir ce qu’il mérite : un départ en beauté.
La technique de la fable est une excellente technique qui permet de simplifier une idée mais surtout de capter l’attention de l’auditoire en attisant le suspens sur la chute de l’histoire.
On le voit bien en observant les réactions du vieux Dirty Joe qui réagit aux péripéties du petit oiseau comme le ferait un enfant.
3) Notre jour viendra (Romain Gavras, 2010) – Discours de Patrick
Synopsis :
Patrick et Rémy n\’ont ni peuple, ni pays, ni armée : ils sont roux. Ensemble, ils vont combattre le monde et sa morale, dans une quête hallucinée vers l\’Irlande et la liberté…
Autour du film
Premier film de Romain Gavras (fils de) et très bien mené par le duo Cassel/Barthelemy.
Ce film est une invitation à la liberté, à l’indifférence face à la critique et une ode au lâcher-prise.
Dans leur périple à travers la France, les 2 protagonistes se révèlent dans leur folie et leur rancœur.
Sans doute pas l’une des plus grandes œuvres du cinéma, un film décousu, mais constitué de scènes qui indépendamment trouvent leur intérêt.
Le discours
Prononcé peu après le début de leur folle cavalcade, ce court monologue annonce la suite du film.
C’est un discours qui prend aux tripes, comme un mantra qui porterait la puissance de l’ambition des 2 personnages : détestez-moi tant que vous voudrez, j’irai plus haut que vous.
Le texte est très bien écrit, très bien énoncé par un Cassel lyrique.
La puissance de son regard et de sa voix, le mouvement de son visage, illustrent parfaitement le fond du texte, en étant dans une gestuelle de défi, de prise de hauteur.
Même la rythmique du texte est bien reprise, comme un morceau de rap (milieu auquel sont attachés les 2 acteurs et le réalisateurs, rencontrés tous les 3 au sein du collectif Kourtrajmé).
En bref, la puissance d’un texte servi par la valeur d’un acteur.
4) Braveheart (Mel Gibson, 1995) – Notre Liberté
Synopsis
Evocation de la vie tumultueuse de William Wallace, héros et symbole de l\’indépendance écossaise, qui à la fin du XIIIe siècle affronta les troupes du roi d\’Angleterre Edward I qui venaient d\’envahir son pays.
Autour du film
Nous abordons ici un tout autre style !
Braveheart est un film historique, tenant presque du peplum.
Il rentre dans la grande série des films épiques menés par Mel Gibson entre The Patriot, We Were Soldiers et Mad Max.
Sorti en 1995, il s’agit de la seconde réalisation de l’acteur, la première n’ayant pas connu un franc succès.
Pourtant pour raconter l’histoire de ce héro écossais, il se donne les moyens de réaliser un grand film, un film de guerre médiéval avec tous les coûts que cela représente.
Et les résultats sont là.
Braveheart est une réussite, un film qui a marqué sa génération et assuré les qualités de réalisateurs de celui qui l’a rendu possible. Il reçoit plus de 20 récompenses dont 5 oscars.
Autour d’un scénario bien ficelé, il parvient à représenter toute la violence des combats de l’époque ainsi que les intrigues diplomatiques qui entouraient alors l’Ecosse.
Certes, l’histoire ne respecte pas totalement l’Histoire.
Mais le film a suscité un grand intérêt pour l’Ecosse et son Histoire, au point qu’une statue représentant Mel Gibson en William Wallace a été érigée à Stirling. Une statue que je vous décourage d’aller voir, elle n’est pas franchement réussie.
Enfin pour la petite anecdote, sachez qu’avant d’accepter de montrer leurs fesses au début d’une scène de combat devenue mythique, les figurants ont exigé que Mel Gibson montre les siennes. Au grand plaisir des paparazzis lorsqu’il a effectivement fini baisser son short…
Le discours
Chacun de ses films est rempli de grands discours, de textes lyriques ou d’envolées faisant appel au sentiment patriotique.
Les valeurs de Mel Gibson sont fortement ancrées dans son esprit et cela se ressent dans ses films.
Que l’on approuve ou pas ces idées, on ne peut que constater qu’elles donnent à ses discours une authenticité incomparable.
Lorsqu’il parle de Liberté sur son cheval, ça n’est pas que le personnage de William Wallace qui parle, c’est aussi Mel Gibson qui plaide pour son droit à défendre sa liberté, comme il le fait pour sa liberté d’exprimer ses idées à travers son cinéma.
Mais l’autre élément marquant dans ce discours, et la leçon à en retenir, c’est l’adaptation du discours.
William Wallace (le personnage du film et non historique) a reçu une éducation soutenue. Il sait se tenir et adopter un langage châtié lorsqu’il le souhaite.
Mais un tel ton ne ferait que créer de la distance lorsqu’il s’adresse aux soldats.
Il opte donc pour un discours beaucoup plus populaire, presque grivois.
Adapter son discours à son auditoire, au moins dans sa forme, c’est s’assurer de ne pas créer de barrière inutile.
https://youtu.be/uZE7fSxwF2I
5) Demolition Man (Marco Brambilla, 1993) – La liberté selon Friendly
Synopsis
En 2032, à San Angeles, une mégalopole californienne où toute violence a été éradiquée, Simon Phoenix, un tueur psychopathe condamné à une longue peine d\’hibernation et de rééducation, profite d\’une visite médicale pour s\’évader. Seul recours pour le neutraliser : réanimer son ennemi de toujours : John Spartan, un policier surnommé \ »Demolition Man\ », cryogénisé à titre de punition pour homicide par imprudence en 1996.
Autour du film
Honnêtement ? On n’est pas sur le plus grand film de l’univers.
Mais reconnaissez avec moi qu’un film d’action dystopique dans lequel Stallon et Snipes se courent dans une époque totalement aseptisée où Stallone passe pour encore plus brutal qu’il ne l’est à notre époque, ça vaut le détour !
En réalité le film n’est pas si mauvais : le scénario est amusant, on enchaine les références au monde de l’époque (jusqu’à imaginer un Schwarzenegger président) et puisque l’on attend un film d’action, on est servi !
L’autre intérêt du film la présence de punchlines à répétition, peut-être un bon moyen de travailler l’art de la répartie (mais ceci fera l’objet d’un prochain article).
En clair, à regarder un soir où vous n’avez pas envie de réfléchir.
Le discours
Le discours non plus n’est pas l’un des plus grands du cinéma.
Mais c’est un simple petit plaisir que je m’accorde : on y parle de plaisirs simples, de liberté et de crainte d’un monde aseptisé.
Le personnage d’Edgar veut être libre de se faire plaisir, même si cela passe par des choses mauvaises pour la santé.
On comprend ainsi que le monde de ce film se divise entre 2 extrêmes : la maitrise de tout au risque d’encadrer la liberté et l’absence de toute considération sanitaire sacrifié au plaisir, l’autocratie contre l’anarchie.
Et puis pour être honnête on y retrouve un petit air de ce bon Chicandier, comédien qu’on pourrait croire disciple de ce bon Edgar.
J’espère que ces 5 monologues vous auront plu, n’hésitez pas à évoquer en commentaire les autres discours que vous auriez aimé voir.
Je ferai prochainement d’autres articles sur les monologues dans les arts, sans doute une suite de cet article, et peut-être des articles dédiés à un discours unique pour une analyse plus poussée.
Et si vous aussi vous voulez parler avec la puissance d’un Chaplin ou pitcher une situation comme Personne, n’hésitez pas à prendre rendez-vous pour un diagnostic gratuit !